2 juillet 2024

Succès du 1er vol transatlantique du CNES sous ballon stratosphérique, emportant le spectromètre à lasers infrarouges du LPC2E : SPECIES.

Le CNES (Centre National d’Etudes Spatiales) a organisé la campagne TRANSAT 2024, opérant pour la première fois un vol transatlantique sous ballon stratosphérique ouvert (BSO), entre la Laponie suédoise (Esrange Space Center, Kiruna, 67,88°N – 21,10°E) et le nord canadien, sur le territoire du Nunavut, en passant au-dessus du Groenland.

Largage du ballon principal en vue du décollage de la nacelle (©CNES, 2024).

Des vidéos de décollage sont visibles sur : https://x.com/asc_csa/status/1804859089010274565?s=46  et sur https://x.com/louvelstephane/status/1804699885909729625?s=46

L’objectif de ce vol Transatlantique était de démontrer la capacité des équipes scientifiques à mettre en œuvre un BSO sur une longue durée. Ce ballon, d’une masse de 2,9 tonnes, était équipé d’une enveloppe remplie à l’hélium de plus de 800 000 m3. Afin de suivre finement la progression du vol et interagir depuis le centre de contrôle à Esrange avec les instruments scientifiques à bord, même au-dessus de l’océan ou dans les régions les plus éloignées des stations de suivi, le CNES a déployé une station de réception déportée à Kangerlussuaq sur la côte Ouest du Groenland. Les liaisons bord-sol avec la charge utile ont été assurées tout au cours du vol grâce à un lien satellites Iridium. L’autonomie de vol des charges utiles de la nacelle a également été repensée avec le développement d’un système d’énergie renouvelable à bord. Ce système, dénommé Medor, a permis de déployer des panneaux solaires sous la nacelle, pour une puissance nominale de 1000 W. Il était installé sur un axe de rotation vertical afin de constamment pointer vers le Soleil (en permanence au-dessus de l’horizon en cette période autour du solstice d’été) et de fournir le rendement énergétique attendu par les instruments scientifiques, tout en limitant le nombre de batteries embarquées (https://ballons.cnes.fr/fr/ballons-traverser-latlantique-la-force-des-vents).

Envolée de la nacelle sous le ballon auxiliaire et au-dessus sous le ballon principal non visible (©CNES, 2024).

(gauche) : nacelle suspendue avec amortisseurs et panneau solaire replié, dans le hangar d’intégration. (droite) : essai au sol du déploiement du panneau solaire « Medor », préalablement au vol.

Ce vol a eu lieu du 22 Juin 2024 à 18:55 TU (20h55 heure Europe centrale) au 26 Juin 2024 à environ 11:50 TU, c’est-à-dire qu’il a duré 3 jours et 17 h environ. La nacelle s’est bien posée en douceur sans traînée dans le Nunavut, sur le manteau neigeux au nord de l’île de Baffin, à 145 km au sud-est de Pond Inlet. La nacelle, avec sa charge utile scientifique, a été récupérée samedi 29 Juin par hélicoptère et déposée à Pond Inlet. La partie supérieure de la nacelle a été démontée afin de la faire entrer par la porte d’un avion-cargo ATR et l’emmener à Iqaluit (à 900 km au sud) pour un stockage temporaire, puis vers le port de Montréal pour le voyage retour en bateau vers la France.

(gauche) : nacelle et chaine de vol avec parachute à l’atterrissage sur l’île de Baffin (©CNES, 2024). (droite) : gros plan sur la nacelle ayant atterri (©CNES, 2024).

La nacelle charge utile comprenait 6 instruments scientifiques principaux dédiés à des études sur l’atmosphère et l’astronomie : NLC du Swedish Institute of Space Physics (Suède), le spectromètre UV-visible OSIRIS de l’University of Saskatchewan (Canada), le polarimètre gamma COMCUBE (IJCLab, Orsay, France), le spectromètre infrarouge non-dispersif CALASET-NG (Canada), le spectro-imageur infrarouge GLORIA-lite (Karlsruhe Institute of Technology, Allemagne), et notre instrument mini-SPECIES (SPECtromètre Infrarouge à lasErs in Situ) du LPC2E.

Mini-SPECIES a été intégré, optimisé et testé sur place à Esrange pendant la quinzaine de jours précédente, en vue de réaliser des mesures des principaux gaz à effet de serre (GES) : CO2, N2O et CH4. Les mesures en vol BSO ont eu lieu en montée à partir de 24 km d’altitude, et surtout à l’altitude maximum plafond d’environ 38-40 km pendant plus de 3 jours et demi. Des spectres à ultra-haute résolution de 13CO2 et N2O ont été enregistrés et ajustés en direct tout au long du vol, grâce au relais 24h/24 de l’équipe SPECIES composée de 6 personnes. Ces espèces jouent un rôle dans le bilan radiatif (influençant le dérèglement climatique) et le bilan de la couche d’ozone. L’étalonnage de l’instrument a pu avoir lieu juste avant le vol, ce qui est essentiel pour le raccordement à l’échelle mondiale de référence (OMM-GIEC) de surveillance des GES. Les objectifs plus particuliers de ce type de vol en collaboration avec l’équipe GLORIA-lite et CALASET sont : (1) d’étalonner/valider le spectro-imageur GLORIA à l’altitude du ballon, qui lui-même sert de démonstrateur au candidat CAIRT à la mission spatiale 11th Earth Explorer de l’ESA, (2) d’apporter des mesures GES de comparaison avec celles des satellites SciSat (ASC) FTS-ACE et Aura MLS (NASA), et (3) d’étudier la circulation des masses d’air dans la stratosphère, tracée par ces GES, sous l’influence du réchauffement climatique.

(gauche) : baie mini-SPECIES comprenant 2 racks (2 voies sur 4) pour mesures CO2 et N2O, et CH4. (droite) : vue d’ensemble de la nacelle incluant la baie mini-SPECIES et ses radiateurs (évacuant la chaleur).
(gauche) : équipe mini-SPECIES devant la nacelle. (droite) : visualisation et contrôle des spectres (voie CO2, N2O) mesurés en temps réel pendant le vol.